Pour des raisons économiques et politiques, les archéologues et les conservateurs du patrimoine bâti ne peuvent empêcher des grands projets de constructions et d’infrastructures de se réaliser même s’ils menacent directement des vestiges du passé. Ainsi doivent-ils bien souvent se résoudre à la destruction de témoignages anciens pour faire place au progrès, lorsqu’il prend la forme d’un barrage, d’une autoroute ou d’un centre commercial. Dans le meilleur des cas un relevé du bâtiment ou une fouille du gisement pourra être exécutée avant la destruction. Mais une autre solution, si l’on tient vraiment à la conservation du monument peut être envisagée : le déménagement. Tout le monde a en mémoire le déplacement des temples d’Abou Simbel et de Philae, lors de la construction du grand barrage d’Assouan. Un ancien pont de Londres fut aussi déplacé pierre à pierre aux Etats-Unis. De façon beaucoup plus modeste c’est cette solution que les Travaux publics de la ville de Neuchâtel, en Suisse, ont choisi de privilégier dans le cas de la Pierre-à-Mazel.

Pierre-à-Mazel

La Pierre-à-Mazel sur son nouvel emplacement

Ce rocher, qui était autrefois un petit îlot rocheux du lac de Neuchâtel, a été désigné le 10 mai 1537, par Jeanne de Hochberg, comtesse souveraine de Neuchâtel, pour marquer la limite orientale du rivage concédé aux bourgeois de la ville du dit lieu. L’extension de la cité s’étant opérée par des remblayages successifs sur le lac, entre le 18e et le 20e siècle, de même que par la fusion avec une petite commune limitrophe, a fait perdre au rocher et son statut d’îlot, et celui de borne communale. De plus, les remblais ne laissaient plus apparaître depuis cent ans que son sommet. Enfin, en 2003, le projet de construction d’un centre commercial et du nouveau stade de la Maladière devait signifier la disparition définitive du rocher. Pour éviter l’irrémédiable et la perte d’un monument naturel à valeur historique, la décision fut prise en 2004 de prélever lors du chantier de construction le sommet du rocher pour le garder en témoignage. Cette borne insolite a été déplacée il y a quelques jours de 2 km en direction de l’est, et, aujourd’hui, 470 ans après Jeanne de Hochberg, une petite cérémonie a rendu au sommet du rocher son rôle de borne frontière. Ce vestige à rejoint, du même coup, d’autres témoins du passé rassemblés dans le parc archéologique en plein air du Laténium, le musée cantonal d’archéologie de Neuchâtel, sis sur la commune voisine d’Hauterive.